205.
La Grande Prêtresse pose son livre Les aventures de Cassandre Katzenberg et articule posément :
— Monsieur le Marquis Kim Ye Bin, voulez-vous prendre pour épouse mademoiselle la Princesse Cassandre, ici présente ?
Un instant de silence puis la voix de Kim résonne avec assurance :
— Oui, je le veux !
— Mademoiselle la Princesse Cassandre Katzenberg, voulez-vous prendre pour époux monsieur le Marquis Kim Ye Bin ?
— Oui, je le veux…
La femme en toge approuve.
— Dans ce cas, je vous déclare mari et femme, unis pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que… l’absence d’amour vous sépare.
Tout autour la foule des milliers d’ascendants et celle des centaines de bébés qui leur succéderont, tous en smoking ou robe du soir, applaudissent. Esméralda Piccolini, Fetnat Wade, Orlando Van de Putte, Charles de Vézelay sont au premier rang. À tour de rôle, ils viennent signer la feuille des témoins et en profitent pour embrasser les mariés.
Puis Cassandre et Kim s’avancent sous une pluie de riz vers une hutte gigantesque de dix mètres de hauteur, construite en bordure de Rédemption avec un grand balcon empli de fleurs et voilé de rideaux brodés. En bas, dans un petit jardin, une fontaine chante, fabriquée à partir de matériaux recyclés.
Des biches, des lapins, des renards viennent boire, et, parmi eux, elle reconnaît M. et Mme Yin Yang. Toute proche, une grande piscine avec toboggan accueille les invités, ainsi qu’une table de ping-pong.
Cassandre admire son époux, Kim, vêtu d’un smoking mauve à queue-de-pie et d’un col à jabot de dentelle de la même couleur. Elle-même porte une robe blanche nacrée, avec une longue traîne autour de laquelle des oiseaux-mouches viennent papillonner.
Esméralda verse du champagne dans des coupes. Elle en vide une d’un trait puis rote. Fetnat crache. Orlando pète. Tout le monde applaudit. Puis le groupe des gitans arrive et les guitares et les violons manouches se déchaînent. Tous les bébés se mettent à danser en couple.
Charlotte la pâtissière tape dans ses mains. Des pigeons, par petits groupes de quatre, viennent se poser autour d’eux. Ils tiennent dans leur bec les quatre coins d’un mouchoir sur lequel sont posées des pâtisseries.
— Il n’y a que cela de vrai, dit la pâtissière aux joues empourprées.
Nouvelle ovation.
Cassandre lui tend son ouvrage Les aventures de Cassandre et lui dit :
— Les livres sont les pâtisseries de l’esprit.
Apparaissent alors, en haut d’une montagne de poupées, quelques silhouettes sombres, tenant en laisse de gros chiens aux mâchoires féroces.
Ce sont les Albanais.
Après avoir provoqué un début de panique, ils sourient et se joignent à la danse. Alors la vision de Cassandre change. Elle perçoit, chez chaque être qui l’entoure, une petite lueur au niveau du sternum. C’est leur étincelle de vie. Des chiens sauvages arrivent du sud et se mettent à remuer la queue au rythme de la musique. Puis c’est le tour des rats. Tous les êtres vivants présents à ce mariage réchauffent leur étincelle de vie qui se met à briller et à vibrer au rythme de la musique tsigane.
Graziella, dans son fauteuil roulant, arrache son violon à un musicien et se lance dans un solo assez émouvant. Cassandre serre la main de Kim, leurs deux étincelles brillent comme des flammes et fusionnent au niveau de leur poitrine. Autour d’eux, une onde lumineuse s’épanouit, va toucher l’étincelle en chaque être vivant, et peu à peu irise de nacre l’ensemble du décor.